Eloge de Mère Antoinette

Cette grande servante de Dieu, ayant tiré sa naissance des très illustres Maisons de Longueville du côté paternel, et de Boubon du maternel, hérita de l’esprit, du courage et de la générosité qui ont toujours orné ces deux races, et l’on vit reluire en elle dès son bas âge ces vertus avec éminence. Elle fut mariée fort jeune par la volonté absolue de Messieurs ses parents, et peu après que la condition de veuve lui en eut ouvert le moyen, elle laissa le monde entre vingt-six et vingt-sept ans, en la fleur de ses plus beaux jours. Aussi, jamais une résolution ne fut poursuivie et exécuté avec plus de constance.

Mme Antoinette

Au déçu de tous, elle alla se rendre à Toulouse avec les Mères Feuillantines, ce lieu qui était séparé de toutes ses habitudes, et célèbre par la renommée d’une grande âpreté et sainteté de vie, lui ayant agrée sur tous les autres. Elle y alla lorsque ces servantes de Dieu encore en petit nombre, jetaient les fondements de l’exacte observance de la Règle de saint Benoît (duquel saint Bernard, Patron de la Congrégation de Notre-Dame des Feuillans était disciple). Dès lors, la divine Majesté voulut qu’elle fit son apprentissage en cette bonne école et que contribuant à l’édifice temporel et spirituel de ce très dévot monastère, elle apprit comme il lui faudrait tracer le plan de plusieurs autres, qu’elle devait fonder avec des travaux d’autant plus grands qu’ils auraient plus grande étendue.

Après qu’elle eut passé sept ans en ce désert silencieux, où reluisant en toutes les vertus religieues, elle exerçait la charge de Prieure avec un contentement indicible de toutes ses soeurs, Dieu inspira le Pape Paul V de l’en tirer à toute force pour mettre cette lampe ardent sur un haut chandelier et pour faire lvoir la lumière de ses bons exemples dans le grand Ordre de Fontevrault. C’est là où la congrégation dont nous parlons s’est élevée comme une grande flamme.

Dieu a coutume de verser avec abondance dans les premiers auteurs des œuvres de sa grâce, ainsi que dans la source, l’esprit qu’il veut faire couler dans les ruisseuaux de la postérité. Cette âme fut toujours vive Dieu emploie pour entremetteurs de sa gloire, et auxquels il veut confier ses secrets. Le zèle de servir à étendre le Royaume de Dieu lui transperçait le cœur ; le regret de voir l’honneur de Dieu si délaissé, lui était comme ce glaive de douleur qui perça si avant l’esprit de la Vierge au pied de la Croix de son Fils. Mais aussi le désir de la solitude l’attirait si violemment que ce lui était comme une chaîne passée et nouée bien étroitement à l’entour de toutes ses affections. Ce furent eux qui lui persuadèrent de fonder le dessein de cet ordre naissant sur deux rocher très fermes, l’un desquels est le St Mont de Calvaire où le Sauveur nous ouvrit le chemin du Ciel, l’autre celui ou St Benoît trouva cette grotte si âpre et si sauvage, en laquelle il commença sa manière de vie angélique.

Lencloître

Or quel objet pouvait mieux convenir au zèle de cette bonne âme pour la gloire de Dieu, que celui d’imiter sa Mère sur le Mont de Calvaire ? Tels furent les ressentiments de cette fidèle servante de Jésus-Christ crucifié, laquelle, outre son souhait général de l’heureux état de l’Église eut toujours en recommandation très particulière le recouvrement de la Terre Sainte, comme du pays natal du Fils de Dieu et de sa Mère, et le rétablissement de l’Ordre de saint Benoît.

Il faudrait un volume entier pour expliquer ses vertus exemplaires, l’admirable conduite de Dieu en tout cet ouvrage. Nous dirons ici seulement pour achever que, pour contenter cette âme qui désirait si ardemment que Dieu se glorifiât sans elle, et que son indignité fut reconnue devant tout le monde en se retirant et faisant place à sa toute-puissance, Il l’ôta de ce monde après peu de temps ; et combie qu’elle ait employé quatorze ans à fonder cet édifice spirituel dans un abîme de toutes sortes de travaux, à peine était-il hors de terre, et elle n’avait encore été que six mois dans le monastère de Poitiers, qui est le premier où cette Congrégation a commencé, que Dieu voulur la retirer de la terre pour lui donner le Ciel.

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