L’Assomption chez les grecs - lettre du Comte de Piellat

« La Vallée de Gethsemani ordinairement si triste et si sauvage, était gaie et bruyante dimanche dernier. Il est d’usage à Jérusalem d’aller se promener et se divertir au fond de la Vallée, les dimanches qui précèdent l’Assomption, que les Grecs célèbrent le 27. Aussi les jardins ou plantations d’oliviers qui s’élèvent en terrasse jusqu’à mi-côte des collines, étaient couverts de monde : gens de diverses nations, de religions variées et de costumes de toute sorte. Les femmes sont généralement enveloppées dans un grand linge blanc depuis le dessus de la tête jusqu’aux pieds ; ce grand voile blanc les cache entièrement, mais quand elles sont assises par terre elles l’entrouvrent et laissent voir leur robe en soie de vives couleurs, et tous leurs brillants, ainsi que leurs pantalons bouffants.

Sous les branchages d’oliviers sont dressées au flanc du Mont des Oliviers, plusieurs lignées de tentes ; je crois que des familles y passent plusieurs jours. D’autres familles se contentent de se réunir en groupe assis à l’ombre claire des oliviers.

Là ils mangent des figues, des fruits verts et boivent de l’eau. Les jeunes filles se balancent çà et là au dessus des grosses branches d’arbres. Les hommes causent tranquillement entre eux en prenant du café et fumant le narguilé devant les tentes ou baraques rustiques adossées aux murs de Gethsémani, ou sur la route de Jéricho. Une des plus grandes réjouissances, c’est de s’asseoir par terre, en rond, et de battre des mains, en cadence bien régulière, au son d’un petit tambourin des plus rustiques : peau d’animal tendue sur un tuyau de terre. Souvent ce battement des mains est accompagné de chant monotone : un soliste chante, et tout le chœur lui répond.

Sur les flancs de la colline de Jérusalem viennent s’asseoir en lignes superposées, au-dessus des murs qui servent de talus aux terres, les femmes musulmanes de la ville. Elles regardent les chrétiens qui s’amusent et c’est leur grande distraction ; elles ne peuvent en faire autant !

Ajoutez quelques troupeaux de chèvres noires qui passent sur la route qui coupe la vallée,

des moines grecs, des franciscains, qui vont visiter leurs sanctuaires respectifs, quelques bédouins à la figure sauvage, aux longs cheveux tressés qui retournent au désert ; la plupart sont montés sur de belles juments ; les uns sont sont armés d’un sabre, les autres d’une longue lance. D’autres fois, c’est une file interminable de chameaux, attachés à la queue les uns des autres qui interceptent la voie ; ils apportent le blé des pays d’au delà du Jourdain, de Moab ou d’Ammon.

Au coucher du soleil, la foule rentre par les portes de la ville, et la vallée reprend son silence de mort… »

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